Unijam : 48 heures pour créer un jeu-vidéo

Télécom SudParis

Chaque mois de novembre, les élèves issus de la voie d'approfondissement Jeux vidéo, collaborations et Interactions Numériques (JIN) de Télécom SudParis, celles et ceux de l'ENSIIE ainsi que de l'IUT de Bobigny se retrouvent pour une compétition vidéoludique unique : UniJam. En équipe, ils tentent de créer des jeux-vidéo en 48h.

A cette occasion, Michel Simatic, directeur d’études et coordonateur de l’option JIN, nous en dit davantage sur cette formation ainsi que ses recherches.

Vous organisez UniJam, une épreuve formatrice pour vos étudiantes et étudiants. Pourquoi cette idée de concevoir un jeu-vidéo en moins de 48h ?

Faire se rencontrer deux populations : celle des élèves ingénieurs de Télécom SudParis et l'ENSIIE en option JIN, avec les étudiants en licence professionnelle « Métiers du jeu-vidéo » de l’IUT de Bobigny. Chacun arrive avec sa spécialité et, ensemble, ils devront créer des jeux-vidéo sur un week-end.

C’est l’un des objectifs « cachés » d’UniJam. Tous ces étudiants doivent,  les uns comme les autres, collaborer avec d’autres personnes qui n’ont pas le même mode de pensée qu’eux. Mais aussi avec une différence d’âge : nos Bac+5 seront en équipe avec des Bac+3. C’est exactement ce qui se passera une fois qu’ils seront dans le monde professionnel. Être capable de travailler avec des personnes différentes de soi-même, cela constitue selon moi, la marque de fabrique d’un ingénieur diplômé de Télécom SudParis, venant de l’option JIN ou non.

 

Ce genre de mises à l’épreuve est-il fréquent dans le milieu professionnel du jeu-vidéo ?

Michel Simatic
Michel Simatic

C’est assez fréquent. UniJam est tiré de ce qu’on appelle les « game jam » (ou « confitures de jeu » en français), dont la plus connue se nomme Global Game Jam. Il existe des formats différents du nôtre : soit plus long, par exemple sur deux semaines, soit plus court, sur 24h ou une heure.

Le concept de la « game jam » est très apprécié. Y participer agrémente bien un CV, et envoie un message clair au futur employeur : « je suis très motivée ou motivé et voilà ce que je sais faire sous pression ». De surcroît, le plus important pour une personne travaillant dans le jeu-vidéo, c’est son book de projets. Donc, plus elle accumule des projets différents, mieux c’est.

 

Comment l’idée d’UniJam est-elle venue ?

Quand j’ai lancé l’option JIN, je voulais que les étudiants soient au maximum en contact avec des entités extérieures. Et, dès le départ, je souhaitais monter une collaboration avec la licence pro de l’IUT de Bobigny pour réaliser des projets en commun. C’est mon homologue de Bobigny qui a eu l’idée d’organiser cette « game jam » réunissant les deux formations. Quant au nom « UniJam », il vient des étudiants de Bobigny eux-mêmes.

 

Quels sont les plus beaux exemples de jeux conçus lors des précédentes éditions d’UniJam ?

Lors de notre première édition en 2014, j’avais donné pour thème la phrase d’André Gide « Ce que tu ne sais pas donner te possède ». Partant de ce sujet très philosophique, une des équipes avait conçu un jeu, “Don’ d’organes” s’inspirant du sketch du donneur d’organe dans le film Le Sens de la Vie des Monty Python. Le joueur fuyait des médecins en acceptant d’échanger ses membres avec d’autres personnages ou créatures. Ce jeu avait un gameplay très dynamique et amusant.

Mais ne mélangeons pas tout. UniJam n’est qu’une étape parmi d’autres au sein de l’option JIN. Certes, c'est une étape emblématique pour les étudiants. Cependant, pour moi, c’est toute l’expérience JIN qui importe. Notamment avec leur projet de fin d’étude qu’ils doivent rendre avec une vidéo de présentation et auquel les étudiants consacrent beaucoup plus de temps.

 

En tant qu'enseignant chercheur, vous avez notamment travaillé sur l’informatique pervasive : qu’est-ce qu’un jeu pervasif ?

L’informatique pervasive ou diffuse, c’est le fait de pouvoir se déplacer dans un environnement où l’informatique est présente partout, pour être aidé dans ses tâches quotidiennes. Par exemple, simplement accéder à un lieu en badgeant ou bien tout ce qu’on arrive à faire aujourd’hui avec un téléphone mobile (paiement sans contact ou proposition d'une promotion en croisant un magasin dans la rue). En terme de jeux, Pokémon Go est un exemple de jeu pervasif, parce qu'il offre une réalité dite « augmentée » dans des lieux remarquables (parcs, monuments, etc).

Dans les expériences de jeu pervasif que j’ai menées, j’ai développé des jeux équipés de système pour assister le joueur au sein de lieux définis. L’un des projets phares sur lesquels j’ai travaillé, « Plug : les secrets du musée », transformait le musée des Arts & Métiers (Paris 3e) en terrain de jeu. Ses directeurs voulaient un jeu grâce auquel les joueurs sauraient se déplacer les yeux fermés à l’intérieur du musée, une fois leur partie terminée. Avec des collègues du CNAM et du musée lui-même, nous avons mis au point un jeu de collecte et d’échanges de cartes représentant des objets du musée, par téléphone. Il fallait rencontrer d’autres joueurs dans le musée, fixer des rendez-vous avec eux, les retrouver pour échanger des informations. Pendant une heure, les joueurs cherchaient ainsi à regrouper des familles d’objets ou à répondre à des quiz pour gagner le plus de points possibles.

… Mais alors, dans ce cas, on ne fait plus que jouer ?

Il y a de nombreux passages « secrets » dans le musée : ils sont ouverts au public, mais d’une façon ou d’une autre, ils ne respectent pas le sens de la visite ou semblent interdits. Dans le cadre du jeu, les emprunter faisait gagner beaucoup plus de temps au joueur. A la fin de leur partie, certains joueurs connaissaient plus intimement le musée que ses gardiens. Et d’autres, n’ayant pas eu le temps d’observer attentivement ses œuvres d’art étaient restés plusieurs heures pour réellement visiter le musée.

De plus, ce jeu a fonctionné un peu comme un changement de paradigme. On quittait l’image de l’endroit vieux et poussiéreux, pour celui d’un musée dont on connait les objets et les passages, tout cela grâce à un jeu.

Enfin, au-delà du jeu, le but était aussi de sensibiliser les joueurs au travail d’un chercheur et d’un muséographe : des personnes qui, elles aussi, collectent des informations, les échangent, et les classent ou les ordonnent. Les joueurs réalisaient la même chose sur leur téléphone, échangeant des informations grâce à des étiquettes NFC – une méthode très avancée lors du développement du jeu, en 2008. Aujourd’hui, c’est grâce à elles qu’on peut badger pour accéder à un lieu ou payer sans contact.

- Félix Gouty

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