Smart grid : l’optimisation de l’IoT au service de la transition énergétique
Télécom SudParis
Télécom SudParis est membre du centre interdisciplinaire E4C de l’Institut Polytechnique de Paris (Energy for climate), qui travaille à réduire les émissions de gaz à effet de serre, améliorer l’efficacité énergétique, déployer les énergies renouvelables et proposer des politiques énergétiques pertinentes. Professeur au Département R.S.T. de Télécom SudParis, Michel Marot est également directeur adjoint de ce centre. Il revient sur des projets emblématiques de E4C, en particulier sur une thèse ouvrant des perspectives originales dans le domaine de l'IoT.
Réseaux intelligents et télécommunications
La mise en œuvre de réseaux d'énergie intelligents, favorisant la transition énergétique, requiert des expertises multiples. Celles que Télécom SudParis apporte à E4C concernent principalement les réseaux de télécommunication associés aux smart grids, ainsi que les technologies nécessaires à leur fonctionnement : captation des données, remontée et traitement des informations, cybersécurité, etc.
A titre d'exemple, l'un des projets menés dans le cadre d'E4C par le professeur Hossam Afifi du département R.S.T, en collaboration avec Centrale Supelec et le laboratoire LMD de l’Ecole Polytechnique s'inscrit dans ces thématiques. Il s'agit en effet de prévoir d'une part la production électrique de panneaux solaires, d’autre part la consommation électrique d’un bâtiment tertiaire, le Drahi Xnovation Center, puis de proposer un algorithme permettant de faire correspondre au mieux les deux, en utilisant le machine learning, et plus particulièrement des réseaux de neurones.
Autre exemple, une thèse de l’Institut Polytechnique de Paris préparée à Télécom SudParis, qui apporte une contribution originale au domaine de l'Internet des objets (IoT). Réalisée par Antoine Bernard, en partenariat avec l’AFNIC (Association Française pour le Nommage de l’Internet en Coopération), cette thèse CIFRE encadrée par Michel Marot (Télécom SudParis), Benoit Ampeau (AFNIC) et Sandoche Balakrichenan (AFNIC), propose l'utilisation du DNS pour améliorer le fonctionnement et l'interopérabilité des réseaux IoT.
Le DNS au service de l'IoT
Le contexte de la thèse est le développement de l’Internet des objets, c'est-à-dire de réseaux de capteurs et/ou de petits objets dotés de puissances de calcul et de traitement limitées et de capacités de mémoire restreintes, avec des contraintes matérielles assez fortes, notamment en termes de consommation énergétique. Les applications envisagées sont par exemple la relève de compteur d’eau ou d’électricité, qui impliquent des systèmes ayant une zone de couverture étendue mais qui transmettent rarement des données.
A l'instar du système LoRaWAN, qui opère à très bas débit sur des portées pouvant atteindre en théorie une dizaine de kilomètres, la plupart des solutions proposées sont très silotées.
L’objet de la thèse d'Antoine Bernard est de promouvoir l’usage d'un outil typique de l'Internet, le DNS, pour améliorer les performances de l’IoT et l'interopérabilité, en conséquence aussi la mobilité, des différentes technologies et solutions commerciales. Le DNS est un système de nommage hiérarchique, réparti à l'échelle du monde entier, et qui repose sur des serveurs stockant l’information reliant les noms de domaine (tels que télécom-sudparis.eu) à des adresses IP.
Outre la collaboration avec l'AFNIC, des échanges ont été menés avec des opérateurs télécom, EDF et l’alliance LoRaWAN. Antoine Bernard a ainsi imaginé avec l’AFNIC un service baptisé IoTroam s’inspirant d’EDUroam, lequel permet d'offrir un accès sans fil sécurisé à l'Internet aux étudiants et aux personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche lors de leurs déplacements. Les utilisateurs d'un établissement membre du projet disposent alors de cet accès depuis tous les autres établissements membres, ceci en utilisant leur mot de passe habituel.
IoTroam transpose cette idée à l’IoT, permettant ainsi l'itinérance (roaming) d'un réseau propriétaire à un autre. Le DNS est utilisé en particulier pour retrouver des informations liées à un capteur à partir de son identifiant. Un démonstrateur a été réalisé à TSP et l’AFNIC avec le LoRaWAN, en sécurisant les canaux qui arrivent dans le cœur de réseau, grâce à une infrastructure ad hoc. Des essais fonctionnels et de performances ont commencé et d’autres sont envisagés avec différents membres de l’alliance LoRaWAN.
La compression et l'apprentissage machine
Le passage à l’échelle des réseaux IoT implique de réduire le trafic sur ces réseaux. C'est le rôle de la compression, et plusieurs techniques sont mises en œuvre depuis des dizaines d’années. L'approche originale que nous avons développée consiste à prédire la donnée à transmettre pour tenter de diminuer encore plus le trafic, en évitant des transmissions inutiles.
Un prédicteur est implanté sous forme de programme fonctionnant à la fois sur le capteur et à l'endroit où les mesures doivent être envoyées. Par exemple, un compteur électrique mesure des données de consommation, qui sont assez répétitives et peuvent être prédites facilement grâce à des techniques d'apprentissage non supervisées, fondées sur des réseaux de neurones.
Si le prédicteur exécuté sur le capteur prévoit la même donnée que celle qui est mesurée par le capteur, on peut réutiliser le résultat du prédicteur exécuté à l’endroit où la donnée doit être envoyée. Il est donc inutile de la transmettre. A la limite, un prédicteur parfait permettrait d'éviter toute transmission. En réalité, il faut envoyer de temps en temps les mesures qui s'écartent trop de la prédiction. Cette méthode permet d’économiser la bande passante du réseau, ainsi que la consommation énergétique du capteur. Elle ne réduit pas seulement le trafic mais la signalisation associée (en-têtes des paquets).
L'un des défis techniques est de pouvoir récupérer de manière dynamique le prédicteur. Et c’est là qu’intervient le DNS. L’idée est de récupérer une spécification du prédicteur, typiquement l’architecture du réseau de neurones, en interrogeant un serveur DNS. D’autres techniques sont possibles utilisant des règles de compression à la place de prédicteurs, pour la signalisation. De la même manière, la thèse a été l'occasion d'étudier la possibilité de délocaliser ces règles qui régissent la compression de l'information liée à la gestion du paquet et de les rendre accessibles via le DNS.
Un autre aspect abordé est lié au provisionnement de l'information DNS dans un contexte d’edge à l'endroit et au moment où elle est nécessaire, en particulier en situation de mobilité. La solution proposée dans la thèse est d'utiliser la prédiction de trafic véhiculaire afin d'éviter de charger les cellules éloignées de la trajectoire du véhicule. C’est une voie d'optimisation originale, susceptible d'intéresser les opérateurs.